Oddworld : L’interview de Lorne
Published: 7 May 2000
Host: Overgame.com
Interviewer: François Bliss de la Boissière
This French interview, which cames in five parts, has gone apparently been removed from Overgame since it was archived by the Scriptures, and the Internet Archive does not have a full set of replicas.
Oddworld : L’interview de Lorne
Munch’s Oddysee sera jouable à l’E3 sur Playstation 2. Lorne Lanning, créateur et gourou du monde étrange nous a accordé une longue interview de l’intérieur. Juste avant le passage à la 3D.
Dans quelques jours Munch’s Oddysee sera jouable pour la première fois à Los Angles sur Playstation 2. Avant de rencontrer à nouveau les habitants d’Oddworld et de parler du jeu qui doit être, enfin en 3D, l’aboutissement de la vision initiale de Lorne Lanning, il fallait essayer de comprendre comment le monde d’Oddworld s’est mis à exister.
Réussir à créer un monde aussi étrange, cohérent et complet que Oddworld demande plusieurs choses : une vision précise venant vraiment d’ailleurs, une volonté de le faire exister et des gens pour le concrétiser. Si la vision et la volonté peuvent appartenir à une seule personne hors du commun, la réalisation concrète fait intervenir beaucoup d’autres personnes, des ‘étrangers’ au monde né dans la tête d’un artiste seul.
Comment, alors, garder avec le travail de plusieurs dizaines de personnes un univers si loufoque cohérent ? Qui sait que tel gag, tel nouveau personnage, tel affect, telle péripétie, respecte un monde dont les r`gles ne sont inscrites nulle part sinon dans la tête de son créateur ? Le cinéma, et son système de production exubérant, se frotte déjà à ce mystère depuis plus de cent ans. Avec des réussites incompréhensibles et beaucoup d’échecs. Plus modeste jusqu’à présent, la production des jeux vidéos devenant un effort collectif de plus en plus important se rapproche de son aînée. Et avec une ambition artistique aussi haute que celle revendiquée par Lorne Lanning, quel processus mystérieux fait naître une réalisation à la hauteur de la vision onirique ? Comment transformer un travail artisanal en production haut de gamme ?
Pour apporter une tentative de réponse nous avons posé des questions précises à Oddworld sur son fonctionnement interne. Qui fait quoi et avec quelle marge de manoeuvre ? Lorne Lanning, créateur, directeur, visionnaire et sans doute alchimiste suprême d’Oddworld, a bien voulu se plier à l’exercice. Un type si sûr de lui qu’il n’a pas la langue de bois ça énerve, mais ça épate. Et s’il avait raison ? Afin de mieux circuler dans cette longue interview, nous l’avons divisée en cinq parties. Les liens sont à cliquer ci‐contre à droite.
Les coulisses : des idées à la réalisation
Production : indépendance et impératifs
Réalisation : un auteur producteur est‐il nécessairement un tyran ?
La voix de son maître : qui fait les voix de Oddworld ? (réponse dans la question)
L’avenir : sur PS2 et sur grand écran
Interview accompagnée de photos du studio Oddworld au travail et d’illustrations préparatoires originales. La démarche d’artiste de Lanning et les jeux fignolés comme seuls des vrais artisans en sont capables n’empêchent pas Oddworld Inhabitants d’être un vrai studio professionnel avec son organisation très précise.
Pour être sûr : combien de jeux sont réellement en production chez Oddworld ?
Lorne Lanning : Seulement Munch’s Oddysee et Hand of Odd sont en développement.
Combien de personnes travaillent chez Oddworld ?
L. L. : Oddworld compte 65 personnes*. Nos équipes de designers et d’infographistes participent à la création visuelle des deux jeux, tandis que chaque jeu a sa propre équipe de producteurs, programmeurs et concepteurs. Pour faire bref, 25 personnes travaillent dans chaque équipe.
Comment utilises‐tu personnellement ton temps sur chaque jeu ?
L. L. : Je suis le directeur des deux projets. Cela veut dire que je passe l’essentiel de mon temps à communiquer l’objectif global du projet à tous les "producteurs" et à leurs équipes. Le reste est occupé à garder tout le monde synchronisé, à m’assurer que la consistance globale et la jouabilité des projets restent conformes avec la vision du jeu et la vision du monde d’Oddworld.
Vous faîtes des réunions où tout le monde jette des idées à la volée (brainstorming) ?
L. L. : Non, pas en général. Un projet commence avec une vision initiale et des spécificités sur les objectifs à atteindre. Dans le cadre de cette vision il y a des millions de détails et de solutions créatives qui demandent à être trouvées avant que la production du jeu commence. Il y a également des millions de problèmes et de défauts pendant la production qui nécessitent des solutions créatives et techniques. Si c’est un besoin pour le design du jeu l’équipe de design se réunit et trouve des solutions collectivement. Si c’est un problème d’infographie alors l’équipe de graphistes sur ordinateurs se rassemble et jette des idées à la volée. Pareil pour les problèmes de production.
Si plusieurs départements ont besoin de se concerter pour trouver une solution alors ce sont les responsables des départements qui se réunissent. Cela garde tout le monde concentré sans provoquer de frustration ni perdre de temps. Vous ne voulez pas demander l’opinion de quelqu’un si vous n’avez pas l’intention de retenir sa suggestion. Vous essayez de minimiser le nombre de personnes qui ont besoin de participer aux réunions et de garder ceux en rapport avec le résultat recherché.
A suivre : Production : indépendance et impératifs
Indépendant, Oddworld Inhabitants a néanmoins besoin d’un éditeur. Comment gérer les besoins des uns et les impératifs des autres ? Lorne revendique une production très pointue.
Comment organises‐tu tes projets ?
Lorne Lanning : De la ‘grande’ vision jusqu’au final. Nous regardons l’objectif du projet, le temps que nous avons pour le faire, l’argent à notre disposition pour le faire, et les ressources à notre disposition. A partir de là, c’est de l’ingénierie inversée (!). Notre modèle de production est bien plus proche de la production d’un film que d’un jeu habituel. Tous les gens qui entrent dans notre studio et voient notre approche de la production ne peuvent pas croire que nous sommes une société de jeux vidéo.
Est‐ce que vous décidez quand un jeu doit sortir et respectez la date de sortie à tout prix ou permettez‐vous au développement de continuer jusqu’à ce que le jeu semble bon ?
L. L. : Nous faisons la meilleure estimation possible sur la durée d’un projet. Nous disons parfois à un éditeur que nous ne sommes actuellement pas en mesure de nous engager pour une date finale, mais que nous serons capables de lui faire savoir la date dans un temps très court. Une fois que nous avons pris un engagement pour une date il faut que nous nous y tenions. Cela veut dire que si quelque chose ne fonctionne pas (dans le jeu), et que nous avons vraiment besoin de le retravailler nous ne livrerons pas le jeu en retard. Nous devons alors travailler encore plus dur pour le finir à temps. On ne fait pas d’étapes intermédiaires comme beaucoup dans cette industrie. Si nous le faisions, cela pourrait nous foutre en l’air.
Nous nous engagerons sur une date finale pour un projet mais nous ne prendrons pas d’engagement sur des étapes intermédiaires sur le chemin. Les étapes que nous créons sont strictement réservées à un usage interne. Nous ne serons pas forcés par des éditeurs extérieurs de les présenter. La raison en est que ces étapes pourraient changer en fonction de ce que l’on apprend en fabriquant le jeu. Mais au final nous livrerons à l’heure en respectant le budget. Jusque là nous avons réalisé deux jeux. Les deux ont été livrés à l’heure avec leur budget. Une des raisons est que nous planifions et prévoyons le coût réel, pas le coût désiré.
Originellement les gens n’aimaient pas quand nous leur disions combien un jeu allait coûter. Nous avons toujours dit : ‘très bien, ne le financez pas’. Mais la plupart des développeurs de cette industrie s’engagent sur des ‘deadlines’ et des coûts qui ne leur permettront pas de construire un bon jeu. Ils ont peur de se battre pour le bon budget, ou ils ne savent pas quel devrait être le bon budget parce qu’ils ne savent pas comment produire efficacement. Résultat, ils dépassent les délais et les budgets. Typique de l’industrie des jeux vidéo.
Chaque jeu majeur en 3D a pris des siècles pour être fini. Ne craigniez‐vous pas le même problème en découvrant la 3D pour Munch’s Oddysee ?
L. L. : La plupart des jeux en 3D ont mis des années à être faits parce que les gens ne savent pas comment produire, comment définir leurs objectifs, ou ce qu’ils cherchent dès le début. Sans même mentionner qu’ils ne comprenaient pas la 3D ou les images de synthèse. Nous faisons des images sur ordinateurs depuis des années. Et puis la majorité des jeux en 3D ne se jouent pas si bien. Les gens pensent : ‘Oh génial ! La 3D est là et nous allons faire de meilleurs jeux maintenant !’. Et bien, très peu d’entre eux ont vu juste. Et cela ne venait pas tant de la programmation que du design du jeu. Les jeux échouaient sur la table de conception, pas dans le processus de production.
Nous avons parlé avec Nintendo, avant que la Nintendo 64 ne sorte. Leur ‘Dream Team’ développait des jeux et nous avons toujours trouvé ça drôle. Quand nous leur avons dit que leurs équipes se perdaient (avaient des problèmes d’orientation) dans leurs jeux Nintendo nous a répondu avec un : ‘Comment savez‐vous ça ? C’est exactement ça !’. Comme si nous avions un informateur infiltré. Mais le fait est, que si vous provenez des milieux de la simulation aérospatiale, du travail sur les images générées par ordinateur et avez une bonne sensibilité ce n’est pas difficile d’imaginer les problèmes que la majorité des gens vont avoir en faisant de la 3D.
A suivre : Réalisation : un auteur producteur est‐il nécessairement un tyran ?(lien ci‐contre)
Auteur original, Lorne est aussi directeur et producteur, il doit donc déléguer, même les tâches artistiques dont il garde pourtant jalousement le contrôle et la cohérence. Comment est‐ce que cela se passe au quotidien ?
Est‐ce qu’il t’arrive de passer derrière un de tes graphistes ou un programmeur et de donner un coup de main ou un conseil ?
Lorne Lanning : Le directeur a besoin de connaître chaque détail de chaque aspect du jeu. Il n’a pas besoin de savoir comment programmer le code, mais il a vraiment besoin de savoir le vocabulaire des programmeurs et de comprendre les bases de ce qui est faisable, de ce qui ne l’est pas et, de savoir quand on lui raconte des ‘co…ries’ Idem pour la direction artistique, la production et la conception.
Il (le directeur) n’a pas besoin d’être capable de mieux dessiner qu’un graphiste, en revanche il doit savoir comment conduire un graphiste vers un travail plus pointu encore. En tant que directeur sur nos projets, jusque là oui, je suis l’épine dans le pied.
Est‐ce que tu dessines toi‐même au crayon, au pinceau, à la plume ou à la souris ?
L. L. : Je dessine rarement maintenant. D’ordinaire quand j’ai besoin de dessiner c’est sur un tableau blanc de bureau, ou une feuille de papier pour montrer un objectif, offrir une solution ou une suggestion sur la façon de rendre quelque chose plus fort et, ultimement, plus efficace vers le but recherché. Mon temps est trop court pour m’asseoir et faire de jolis dessins comme avant. Ce que je dessinerais ou peindrais maintenant servirait à illustrer un style graphique particulier, une ambiance, juste assez pour communiquer l’idée et la faire passer entre les mains de quelqu’un de talentueux qui saura s’en servir et l’améliorer.
Originellement je dessinais avec des crayons. Puis j’ai été un peintre. Ensuite j’ai découvert l’ordinateur et j’ai préféré dessiner avec la souris. Mais maintenant, je n’ai plus l’occasion de mettre mes mains dans le ‘mix’, seulement mon cerveau, mes yeux et ma bouche.
Qui choisit les couleurs étranges du monde d’Oddworld, par exemple ?
L. L. : Ça dépend. D’ordinaire les responsables graphiques ont des tâches bien assignées et font des propositions de couleurs avec les dessins. Quelquefois le Directeur Artistique ** du projet propose un set de couleurs au directeur et aux graphistes. S’ils fonctionnent ils sont alors approuvés. Si les couleurs semblent pouvoir être plus fortes, plus riches, ou représenter davantage le ton et l’ambiance alors c’est retour à la table à dessin pour le directeur Artistique et le graphiste.
Est‐ce que tu programmes ?
L. L. : Cela fait très longtemps que j’ai programmé personnellement. Je n’ai jamais vraiment été un programmeur, c’est juste que j’avais besoin de l’apprendre pour faire ce que j’avais à faire quand j’étais directeur technique pour les effets spéciaux par ordinateur. Je pense qu’il est très important pour un directeur de comprendre les bases de la programmation de façon à pouvoir communiquer correctement avec les programmeurs.
Nous te soupçonnons d’être l’auteur de quelques unes des phrases dingos et facétieuses sur les pubs Oddworld ou dans les jeux ?
L. L. : Pas du tout. J’ai posé un standard il y a longtemps sur la manière dont nous devions présenter nos points de vue. Nous avons plusieurs personnes talentueuses qui arrivent avec ces supers idées qui restent cohérentes, et, espérons, améliorent ce standard.
L’écriture est réservée à un noyau dur. La Quintology Oddworld a des fondations basées sur l’humour, l’ironie, les conflits, les textes subliminaux, une bizarrerie générale. A partir de cet univers, d’autres personnes sont capables d’extrapoler et de créer des nouvelles choses qui ont l’air d’appartenir uniquement à Oddworld. D’une manière générale, le but est de ne pas avoir un seul créatif qui monopoliserait les idées mais plusieurs qui réussissent, tout en restant synchronisés, à agrandir dans la bonne direction, l’univers dans son ensemble.
A suivre : La voix de son maître : qui fait les voix de Oddworld (réponse dans la question) ? (voir lien ci‐contre)
Tout le monde ne le sait pas mais Lorne est la voix de Abe et de quelques autres. Il y a eu des modifications dans le timbre d’Abe entre les deux jeux, Lorne était‐il enrhumé ou voulait‐il attirer les enfants ?
Est‐ce que Oddworld a son propre studio d’enregistrement pour les sons et la musique ?
Lorne Lanning : Ouaip. Ce n’est pas un gros studio hollywoodien classieux, mais il répond à tous nos besoins. Nous pouvons obtenir 100% de ce que nous voulons en interne.
On sait que tu as fait plusieurs les voix de plusieurs personnages des deux jeux précédents. Tu en feras d’autres pour les suivants ?
L. L. : Jusqu’ici j’ai fait la majorité des voix. J’interprèterai toujours des voix parce que j’en retire un grand plaisir. Même si c’est difficile. Mais j’essaie vraiment d’encourager d’autres personnes d’en faire aussi. Nous voyons cela comme une philosophie à la Jim Henson (le Muppet Show et le film Dark Crystal, NDR). Si vous travaillez dans notre entreprise vous devez pouvoir faire une voix.
Bien sûr ce n’est pas toujours vrai, rien ne me rendrait plus heureux si davantage de gens pouvaient faire de super voix. Sur Abe’s Exoddus une ou deux personnes sont venues participer et ont fait un super travail vocal.
La voix d’Abe a été légèrement modifiée entre Oddysee et Exoddus : pourquoi donc ?
L. L. : Le ‘gamespeak’ † avait besoin d’être plus audible. C’est difficile de dire pourquoi nous avons fait ce changement, après coup. Je voulais que Abe s’endurcisse un peu, tu vois, parce qu’il a enduré pas mal. Alors j’ai pensé que sa voix devait ‘grandir’. Rétrospectivement je crois que j’aimais mieux sa voix dans Oddysee que dans Exoddus. Je sais que beaucoup de fans aussi. Quand tu es sous l’énorme pression de la production, c’est facile de perdre de vue quelques uns des éléments qui font l’essence et le charme d’un personnage, et tu veux toujours faire mieux. Je crois que les deux voix ont été une réussite mais je préfère la première. Dans le futur, la voix d’Abe sera un mélange entre les deux, plus proche de Oddysee que de Exoddus.
Comment se fait‐il que les voix des Mudokkons semblent plus jeunes dans le deuxième jeu ?
L. L. : Je ne crois pas vraiment qu’elles soient si jeunes, elles sont plus caractéristiques. Une ou deux sonnent plus jeunes mais d’autres sont plus sarcastiques et même plus profondes que Abe. Et puis nous ne voulons pas de voix qui sonnent trop humaines. Nous voulons qu’elles semblent issues de personnages, non d’acteurs. Par exemple, je n’aime pas quand on entend les voix d’acteurs reconnaissables dans les Disney. Pour moi, ça ne fonctionne pas. Je veux entendre quelque chose de cool et de différent, comme le Yoda ou les Muppets. Ce ne sont pas des voix humaines. Elles ont quelque chose d’étranger, et cela les rend plus fortes dans un monde imaginaire.
Oddworld cherche‐t‐il une audience plus jeune ?
L. L. : Nous cherchons à couvrir tout le spectre de l’audience, à l’exception des très jeunes. Nos jeux sont actuellement classés ‘teen’ (bon pour adolescents et plus âgés) et le seront probablement toujours. Nous ne ferons pas des jeux pour une audience plus jeune si cela implique de les rendre superficiels et idiots pour les gens plus âgés. Nous croyons être capables de créer des expériences que les jeunes et les adultes aimeront. Comme Star Wars le fait … ou l’a fait. Après avoir vu le dernier film la Menace Fantôme, Star Wars a très certainement pris un franc virage vers une audience très jeune, et c’est un virage que personnellement je n’apprécie pas. Alors même que je suis un grand fan. Surtout parce que je suis un grand fan. Je me sens un peu trahi et je ne veux pas que les gens ressentent cela un jour dans notre univers (Oddworld).
A suivre : L’avenir : sur Playstation 2 et grand écran
Munch’s Oddysee est le prochain jeu Oddworld à voir le jour. Il sortira cette année sur Playstation 2. La variation stratégie temps réel (avec une différence, évidemment) Hand of Odd suivra, toujours sur PS2. Et, depuis la participation d’Oddworld au festival des images de synthèse Imagina en 99, il est toujours question d’un film complet Oddworld Et le Mac ?
Quelles sortes de graphismes devons nous attendre de Hand of Odd ?
Lorne Lanning : Des super graphismes ! Nous avons des trucs qui tournent à un niveau basique et personne n’a jamais rien vu de pareil. Aucun de nous. Nous faisons les choses si différemment que les autres que cela crée un look complètement unique. Quelque chose de beaucoup plus réaliste que tout ce que nous avons pu observer.
Tout polygone et pas de sprites ?
L. L. : Selon les besoins de chaque application. Les personnages, objets et paysages sont en polygones, les explosions et autres effets se réussissent parfois mieux avec un mix de polys et de sprites.
L’utilisation de mapping photo réaliste sur les textures comme cela devient latendance ne risque‐t‐elle pas de diminuer le style graphique si particulier de Oddworld ?
L. L. : Pas du tout. Regardez les écrans de Oddysee et Exoddus. Rien de ce qui a été fait en temps réel n’atteint ce niveau de détails. Quand je vois Zelda obtenir un 10 pour les graphismes j’ai envie de vomir. L’augmentation de la richesse des textures ne compromettra pas Oddworld.
Est‐ce que, en simultané avec vos inventions de gameplay, Oddworld envisagerait d’innover les interfaces physiques des jeux : nouvelle manette, retour de force, micro‐sifflet ?
L. L. : Le retour de force va devenir une partie importante du futur des jeux. Pour nous comme pour les autres. Cela dit, nous n’essaierons pas de réinventer le matériel au risque que moins de gens puissent jouer à nos jeux. Notre but est de capitaliser sur le nombre de consoles en place. Nous faisons du software, pas du hardware. Se méprendre sur les deux métiers quand on fait des jeux aussi chers que les nôtres pourrait être mortel.
Pourquoi les aventures d’Abe ne sont jamais apparues sur Macintosh ?
L. L. : Le nombre de Macintosh installés ne justifie pas l’adaptation. Cela nous coûterait 250 000 dollars pour adapter le jeu sur Macintosh. Pouvons nous récupérer cette somme avec si peu de Mac là, dehors ? Peut‐être, mais personne jusqu’ici n’a insisté pour que nous le fassions. La Playstation 2 est à l’horizon mais Hand Of Odd pourrait fonctionner sur Dreamcast.
Est‐ce que Oddworld a un contrat d’exclusivité avec Sony ?
L. L. : Que Oddworld soit exclusif à Sony reste encore à déterminer. Quoiqu’il en soit, Hand Of Odd sera sur Playstation 2 et pas sur PC comme nous l’avions envisagé au début. Nous avons récemment décidé que la Playstation 2 serait notre marché le plus important et ce serait une erreur à ce moment précis de se disperser. Alors nous avons choisi de concentrer nos efforts sur un seul outil informatique ambitieux de façon que Munch’s Oddysee et Hand of Odd puissent tous les deux s’y appuyer. C’est plus malin pour nous.
Qu’en est‐il du film d’animation Oddworld ? Etant donné les anciennes accointances de Sherry Mc Kenna (co‐fondatrice de Oddworld) avec Hollywood, est‐ce que votre film en images de synthèses impliquera la participation d’un gros studio (Disney, Dreamworks ), ou s’agira‐t‐il d’une production indépendante ?
L. L. : La ‘Quintologie’ Oddworld a originellement été conçue comme une série de films. Puis j’ai compris un jour que la meilleure façon d’amener Oddworld au cinéma serait de créer d’abord des jeux vidéo de façon à familiariser le public avec l’univers d’Oddworld. Jusqu’ici cela a formidablement bien marché, de nombreux décideurs d’Hollywood veulent une part dans le film. Cela ne serait jamais arrivé si les jeux n’étaient pas sortis avant. Parce que notre univers est venu à la vie dans les jeux, les joueurs ne seront pas oubliés quand nous commencerons à faire des films. Notre rêve est d’accomplir les deux sans compromettre ni l’un ni l’autre.
A terme, il faudra certainement un grand studio pour financer le film. Des pourparlers ont commencé depuis longtemps déjà mais l’arrivée de Abe sur un grand écran ne se fera pas avant un bon moment. Nous voulons être sûrs que quand il y arrivera ce ne sera pas pour faire un nouveau film mièvre adapté d’un jeu vidéo. Cela doit être un deal de cinq films et le studio doit les soutenir comme s’il s’agissait d’un Apocalypse Now du film d’animation, pas simplement un film animé pour gamins. Quand nous le ferons, nous voulons vraiment étonner les gens et leur donner à repenser totalement ce qu’un film d’animation peut être.
Propos recueillis en 1999 par François Bliss de la Boissière
Remerciements à Lorne Lanning, et Gerilyn Wilhelm
Photos et illustrations © Oddworld Inhabitants
* Chiffres 1999.
** Le département graphique d’Oddworld est supervisé par quatre personnes. Farzad Varahramyan (voir photos) est le Directeur Artistique senior. Il est entouré de Raymond Swanland, Silvio Aebischer et Gautam Babbar.
† Nom donné par le studio à son procédé de communication entre les personnages. Un mélange de mots, de sons, de sifflements et mélodies associant des émotions au sens (‘Game Speak’ + ‘Game Emotion’)